Punaises de lit : quand des Parisiens font appel à Rocky, chien renifleur, pour les traquer dans leur appartement

 

REPORTAGE – Alors que le Conseil de Paris devrait se pencher sur le problème des punaises de lit cette semaine, phénomène grandissant en région parisienne, LCI a décidé de suivre en intervention un chasseur de ces affreux nuisibles, chasseur au flair redoutable.

« Ne vous asseyez pas sur le canapé ». Nous voilà prévenus par Julie Gaultier, co-gérante de l’entreprise Dogscan, à notre arrivée chez Michel*, un jeune homme résidant dans le 19ème arrondissement de Paris. Il est persuadé d’héberger chez lui des passagers clandestins aussi minuscules que désagréables. Un fléau nommé punaises de lit qui fait rage en Ile-de-France mais aussi dans le reste de la France. En effet, depuis quelques années, ces nuisibles, que l’on croyait disparus depuis les années 50, font un retour en force. 

Pas dangereuses pour la santé (même lorsqu’elles vous piquent), elles ne véhiculent, par chance, pas de maladies. Depuis plusieurs années, elles sont souvent emmenées sur le territoire français par des touristes, spécifiquement ceux originaires d’Amérique du Nord. Rien à voir donc avec une question d‘hygiène. Mais malgré leur inoffensivité, ces petites bêtes, pas plus grande qu’un grain de riz, rendent fou les Franciliens car il ne savent pas comment s’en débarrasser. Et, faute d’informations, tentent de régler le problème par leur propre moyen. Souvent en vain…

À notre arrivée, Julie et Rocky, son fidèle chien venu des États-Unis et spécialement entraîné pour détecter les punaises de lit, ne se mettent pas immédiatement à inspecter. Julie prend le temps de mener l’enquête pour comprendre et évaluer la probabilité de trouver les nuisibles. « Êtes-vous récemment allés aux États-Unis ? Avez-vous des voisins avec un problème de punaises de lit ? Avez-vous récupéré du mobilier dans la rue ? », les questions se succèdent et rapidement, Julie semble redouter le pire. Ses doutes se confirment lorsque Ellouan sort d’un tiroir une petit boîte en plastique dans laquelle se trouve une mue de punaises de lit (ndlr : la peau d’une punaise de lit). Depuis plusieurs mois, Michel est persuadé qu’il est infesté par ces nuisibles. Mais il n’en a trouvé que très peu, ce qui laisse penser que s’il y a infestation, elle est relativement minime.

Après ce questionnaire approfondi, Julie s’arme d’une petite baguette et d’une banane dans laquelle se trouve des croquettes pour chien. Elle pointe sa baguette devant les placards, les rideaux mais aussi la bibliothèque (oui, une punaise de lit qui ne s’est pas alimenté depuis plusieurs mois est plus fine qu’une feuille de papier) et laisse Rocky renifler la zone à la recherche des nuisibles. Arrivé devant le canapé-lit, Rocky s’arrête et s’allonge. C’est le signal qu’il y a effectivement des punaises de lit. Julie le récompense pour son bon travail. « Ce sont des mois et des mois d’entrainement pour que Rocky soit capable de repérer des punaises de lit correctement », nous confie Julie.

Michel est soulagé, il n’est pas fou, il n’a pas rêvé, il y a bien des punaises de lit dans son appartement. « J’avais envie que vous en trouviez mais en même temps non », dit-il amusé. Maintenant que faire ? Julie commence par rassurer le jeune homme. »Il faut les rassurer car c’est un problème qui crée beaucoup d’anxiété, un manque de sommeil voire même de l’isolement social », affirme-t-elle. La co-gérante donne alors à son client un protocole de traitement dans lequel se trouve de nombreuses solutions.

D’abord, faire venir une entreprise de désinsectisation. « Le traitement se fait sur deux semaines. Les entreprises que vous choisissez doivent venir deux fois en quinze jours pour que ce soit efficace », affirme Julie. En plus de la désinsectisation, il est vivement conseillé de faire congeler tous ses tissus et ses livres par une entreprise spécialisée. Oui, vous avez bien lu, vos affaires seront congelées pendant trois jours minimum car les punaises de lit meurent lorsque la température est inférieure à -20c°. Sinon, il est possible de louer une machine à vapeur pour asperger toutes ses affaires à une chaleur de plus de 120c°, une température que ces nuisibles ne supportent pas non plus. Une autre solution consiste à enfermer les affaires dont vous ne vous servez pas souvent et de laisser fermer hermétiquement dans un sac plastique pendant deux ans. Les punaises ne peuvent pas survivre plus de 18 mois sans se nourrir de sang humain.

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Mais qu’en est-il du budget ? « Malheureusement, traiter un problème de punaises de lit coûte cher », reconnait la responsable de Dogscan qui facture 240 euros ses interventions. Pour le reste, désinsectisation etc…, les prix varient selon les prestataires. « Il faut faire un gros effort pendant un mois, un mois et demi sauf que derrière, on n’est plus embêté », affirme-t-elle.

En moyenne, Julie fait deux à cinq interventions par jour en région parisienne. Heureusement, elle ne trouve pas des punaises de lit à chaque fois mais ça lui arrive souvent lorsqu’elle et Rocky interviennent chez des clients qui ont essayé de traiter leur problème seul. Au total, sur une année, elle et sa soeur, les deux seules salariés de Dogscan, effectuent entre « 600 et 650 interventions » pour des particuliers, mais aussi des hôtels, hôpitaux, logements sociaux ou cinémas.

Mais que font les pouvoirs publics depuis que ce fléau a pris de l’ampleur ?

Pas grand chose car en France, les punaises de lit ne sont pas considérées comme un problème de santé publique. Pourtant, les chiffres sont alarmants. Selon la Chambre syndicale désinfection, désinsectisation, dératisation (CS3D), 200.000 sites sont infectés à travers la France. En Île-de-France, le nombre de punaises de lit aurait augmenté de 160 % par rapport à 2016, selon nos confrères du Parisien. En région parisienne, les autorités commencent à s’inquiéter et veulent tenter d’endiguer le fléau. 1800 logements sur un parc total de 125 000 habitations ont été décontaminés par le principal bailleur social de Paris en 2017.

Et la Ville de Paris ? Le groupe Modem-UDI a prévu de déposer lundi 5 février un voeu au Conseil de Paris pour la « mise en place d’une campagne d’information, de prévention, et d’éradication des punaises de lit ». Parmi les propositions phares, un plan « zéro punaise » est demandé. « C’est impossible, juge Julie. C’est comme si on disait qu’on lançait un plan zéro cancer ». 

Le groupe Modem-UDI souhaite notamment le déploiement « d’une campagne d’information envers les Parisiens sur les moyens de prévenir l’introduction de punaises de lit, leur transport et les moyens de lutte ». Pour notre professionnelle, « c’est une très bonne idée ». « Mais il faudrait que les gardiens d’immeuble, les plombiers, les chauffagistes, les électriciens soient formés pour repérer les punaises de lit car ils sont souvent ceux qui vont chez les particuliers. »

Le plan zéro punaise ciblent également les Franciliens qui louent leur logement à des touristes étrangers, un des facteurs de propagation des insectes en question. Autre proposition du groupe MoDem-UDI : « un outil de signalement et de géolocalisation des punaises de lit alimentant un registre municipal de géolocalisation des foyers épidémiques et des interventions d’éradication ». Une mauvaise idée pour Julie : « On risque de stigmatiser des quartiers entiers en faisant ça. Même si le registre est privé, il risque d’y avoir des fuites dans la presse ce qui pourrait être dangereux », estime-t-elle en expliquant que les punaises ne se cantonnent pas aux quartiers populaires. 

Le problème ne concerne pas seulement l’Île-de-France… En décembre dernier, l’Hôpital de la Timone à Marseille avait dû évacuer une unité complète à cause des punaises de lit. Ailleurs, le fléau fait l’objet de politiques nationales. A l’instar des États-Unis. L’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) a décidé en 2009 de tenir un sommet sur le problème des punaises de lit (bed bugs en anglais) qui concerne 50 Etats américains. 

*Le prénom d’un des clients de Dogscan a été changé à sa demande

 

 

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